Marchés publics : rejet d’une offre électronique hors délai, que dit le juge ?

Offre électronique hors délai
Offre électronique hors délai

Offre électronique hors délai aux marchés publics : le Conseil d’Etat précise dans une décision CE, n° 449250, RATP les cas où l’acheteur doit l’accepter malgré le retard.

La RATP a lancé une procédure d’accord-cadre pour la fourniture d’autobus électriques standards de 12 mètres, sans montant minimum et avec un montant maximum de 825 millions d’euros. La société Alstom-Aptis a soumis une offre par voie électronique avant la date limite de remise des offres fixée au 17 décembre 2020 à 12h. Cependant, la RATP a rejeté cette offre au motif qu’elle avait été reçue après cette date limite.

Saisi en référé précontractuel, le TA de Paris a enjoint à la RATP de suspendre sa décision d’attribution du marché à un autre candidat et sa décision de rejet de l’offre d’Alstom-Aptis. Le TA a également enjoint à la RATP, si elle entendait poursuivre la procédure, de reprendre l’analyse des offres en intégrant celle d’Alstom-Aptis.

La RATP s’est pourvue en cassation contre cette ordonnance.

Motivation de la décision du Conseil d’État

Le Conseil d’État commence par rappeler les règles relatives à la dématérialisation des procédures de marchés publics, notamment l’obligation de transmettre les offres par voie électronique et l’élimination des offres hors délai.

Il précise ensuite sa jurisprudence selon laquelle l’acheteur ne peut rejeter une offre électronique remise hors délai si deux conditions sont remplies :

  • le candidat a accompli en temps utile toutes les diligences normales pour déposer son offre ;
  • il établit que le fonctionnement de son équipement informatique était normal.

Dans ces conditions, le retard ne peut être imputé qu’à un dysfonctionnement de la plateforme de l’acheteur.

Si l’article R. 2151-5 du code de la commande publique prévoit que les offres reçues hors délai sont éliminées, l’acheteur public ne saurait toutefois rejeter une offre remise par voie électronique comme tardive lorsque le soumissionnaire, qui n’a pu déposer celle-ci dans le délai sur le réseau informatique mentionné à l’article R. 2132-9 du même code, établit, d’une part, qu’il a accompli en temps utile les diligences normales attendues d’un candidat pour le téléchargement de son offre et, d’autre part, que le fonctionnement de son équipement informatique était normal.

En l’espèce, le Conseil d’État valide l’analyse du TA qui a constaté qu’Alstom-Aptis n’avait commis aucune faute ou négligence, et en a déduit que le retard résultait d’un problème technique de la plateforme RATP, vu « que la RATP n’établissait pas le bon fonctionnement de sa plateforme de dépôt« .

Analyse critique

Cet arrêt met à la charge de l’acheteur public une obligation de garantir le bon fonctionnement de sa plateforme de dépôt des offres dématérialisées. Cette solution protège les entreprises soumissionnaires contre les aléas techniques.

On peut toutefois s’interroger sur la preuve d’un éventuel dysfonctionnement de la plateforme. L’acheteur pourrait avoir des difficultés à rapporter la preuve de l’absence de dysfonctionnement, et sera souvent confronté à la parole du candidat. Le risque contentieux est donc accru pour l’acheteur.

Conséquences pratiques

Cet arrêt incite les acheteurs publics à renforcer la sécurisation technique de leur plateforme de dépôt, et à garantir sa disponibilité jusqu’à l’heure limite.

Les candidats doivent être vigilants sur l’accomplissement en temps utile de toutes les diligences pour déposer leur offre, et conserver les preuves. Ils peuvent désormais plus facilement contester un rejet pour retard en cas de doute sur un éventuel dysfonctionnement technique.

Source : CE, n° 449250, 23 septembre 2021, RATP (Si l’article R. 2151-5 du code de la commande publique (CCP) prévoit que les offres reçues hors délai sont éliminées, l’acheteur public ne saurait toutefois rejeter une offre remise par voie électronique comme tardive lorsque le soumissionnaire, qui n’a pu déposer celle-ci dans le délai sur le réseau informatique mentionné à l’article R. 2132-9 du même code, établit, d’une part, qu’il a accompli en temps utile les diligences normales attendues d’un candidat pour le téléchargement de son offre et, d’autre part, que le fonctionnement de son équipement informatique était normal. Dans un cas où, d’une part, l’impossibilité pour un candidat de transmettre son offre dématérialisée dans le délai imparti n’est imputable ni à son équipement informatique, ni à une faute ou une négligence de sa part dans le téléchargement des documents constituant son offre et où, d’autre part, l’acheteur public n’établit pas le bon fonctionnement de sa plateforme de dépôt, la tardiveté de la remise de l’offre doit être regardée comme imputable à un dysfonctionnement de cette plateforme faisant obstacle à ce que l’acheteur public écarte cette offre comme tardive).